Avant de vous engager dans un travail d’écriture à mes côtés, vous souhaitez peut-être parcourir quelques-uns de mes écrits.
En cliquant sur les titres de la liste ci-dessous vous pourrez lire quelques extraits de récits biographiques :
Tranche de vie – 1918 / 1957 -
Je déplore que le cerveau humain ne soit pas capable de restituer les souvenirs de la toute petite enfance, ceux des premiers mois et des premières années de la vie, car je suis convaincu que c’est là, durant cette période de toutes les découvertes, de tous les apprentissages, que résident mes souvenirs d’enfance heureuse. Hélas, malgré tous mes efforts pour fouiller ma mémoire et faire revivre ces instants, rien ne ressurgit, c’est le vide absolu, le néant. Seule me reste la conviction que mes années bonheur sont là, blotties entre ma naissance et l’anniversaire de mes quatre ans.
En fait c’est une gifle qui s’impose à mon esprit. Pas par la sensation de douleur ressentie lorsque la main de mon père s’abattit sur ma joue, et heureusement depuis fort longtemps oubliée, mais par le sentiment toujours très présent d’incompréhension et d’injustice de cette agression. Les circonstances de ce soufflet malencontreux sont d’une telle stupidité, qu’aujourd’hui encore, et en dépit de mon grand âge, je conserve la même rancœur à l’égard de mon géniteur qu’à l’instant où il me claqua ainsi sans raison. Car pour moi, il ne fait toujours aucun doute que je n’étais coupable de rien. Pour justifier son geste mon père affirma que je n’étais pas venu le saluer lorsque j’avais été introduit dans la pièce où il se trouvait. Sans doute… Mais comment aurais-je pu lui dire bonjour puisque j’ignorais qui était cet homme debout au milieu du salon et que personne n’avait pris la peine de nous présenter l’un à l’autre.
Par la suite, non seulement mon père n’oeuvra pas à faire oublier son geste mais au contraire il persista dans un comportement autoritaire, intolérant et tyrannique qui me conduisit à le détester et à maintenir définitivement une distance entre nous. Ainsi jamais ne parvint-il à obtenir de moi le tutoiement qu’il réclamait depuis notre première rencontre, au cours de cet été 1922, celui de mes quatre ans. Le « tu » implique une familiarité, une intimité, une complicité, que naturellement je ne pouvais et ne voulais plus partager avec lui. En me frappant injustement il avait pour toujours gâché notre relation filiale et les chances d’une entente possible.
Chemin de vie
Je suis née dans un endroit que, naturellement je n’ai pas choisi mais que, pour rien au monde je n’aurais voulu changer pour un ailleurs. Car de mon village je garde un souvenir enchanté de modernité, de propreté et de luminosité. Cette petite bourgade minière construite au milieu de nulle part, mais plus précisément dans le ….., à la fin du XIXème siècle pour les seuls besoins d’une exploitation de phosphate, donc sans passé historique, sans ruines ni belles pierres, reste pour moi malgré tout le plus beau village au monde. Certes, je n’y ai passé que mon enfance et j’ai eu l’opportunité de le quitter avant d’avoir eu le temps de m’y ennuyer. Mais il m’est impossible de renier ce sentiment de sérénité et de bien-être que m’inspirait alors ce paysage aride, cet espace ouvert, inondé de soleil en été et parfois couvert de neige en hiver, mais où l’horizon était toujours visible.
….Lorsque je ferme les yeux pour revoir en pensée mon village, j’aperçois ses talus d’herbe rase où le rocher affleure, ses collines dépourvues d’arbres, ses rues poussiéreuses et caillouteuses, sa salle des fêtes faisant office de cinéma tous les deux mois, mais aussi ses rangées de maisons mitoyennes réparties par quartier selon le statut socio-professionnel de ses habitants, et le tout dominé par ce que nous appelions « le Château », bien qu’il ne s’agissait en fait que de la demeure du Directeur de la Mine juchée sur un tertre arboré. De l’ouvrier au cadre supérieur, tout le personnel de l’exploitation de phosphate était logé gratis, mais attention, pas tous à la même enseigne ! L’ingénieur recevait une maison plus grande et mieux équipée que l’employé qui à son tour était mieux loti que l’ouvrier.
…..Un soir, à la fin de l’année 1942, la sirène se mit à hurler enjoignant la population de se mettre à l’abri. Sans nous en expliquer la raison, mon père décida que le refuge creusé dans le jardin n’était plus assez sûr et il nous conduisit à la centrale électrique où déjà la moitié du village se bousculait. C’est alors que je découvris la peur. Outre ces lointains échos d’explosion, j’ignorais tout de la réalité d’une guerre et pourtant j’éprouvai à cette occasion et pour la première fois un sentiment d’angoisse. Il faut dire que cette promiscuité avec des adultes suant de trouille n’avait rien de rassurant pour la petite fille que j’étais et sans comprendre moi-même la véritable raison de cette frayeur palpable, je ressentis à mon tour un malaise, une impression d’insécurité. Je compris que quelque chose de grave pouvait se produire et que peut-être mes parents, ces piliers inébranlables, seraient impuissants à me protéger.
D'une rive à l'autre de la méditerranée, parcours d'un indomptable.
…Pour une raison que j’ignore, papa manifesta pour moi une indulgence qu’il n’eut pas pour ses autres enfants. Malgré toutes les bêtises que je pus faire – et Dieu sait que j’en fis – jamais il ne leva la main sur moi. Pourtant, plus d’une fois, j’aurai mérité une bonne rouste. Mais comme le répétait souvent mon frère, d’un ton aigre et plein de jalousie, j’étais l’enfant chéri, le préféré ! Et j’en profitai. Ah ça oui ! Car je déployai des trésors d’imagination pour commettre toutes mes sottises que je commençai très tôt, dés l’âge de trois ou quatre ans. Ma curiosité et ma soif de découvertes en tout genre étaient telles qu’elles se heurtaient sans cesse aux limites posées par les adultes. Mes belles idées se trouvaient régulièrement face à un interdit que je transgressais sans état d’âme, peu soucieux des conséquences de mes actes. Parmi toutes mes facéties, il y eut l’épisode du vélo d’A….. Celui-ci se trouvait enfermé dans un cagibi au sol de terre battue. Mon frère avait préparé son cycle pour en repeindre le cadre. Je connaissais le projet et j’étais curieux de voir l’engin démonté, poncé et prêt à recevoir son coup de peinture. Je décidai de profiter de la sieste familiale pour aller jeter un oeil sur la bicyclette. A l’époque j’avais déjà la réputation de faire mes âneries pendant le sommeil des adultes, aussi mon père exigeait que je m’allonge près de lui durant ce temps de repos obligatoire. Ainsi espérait-il pouvoir me surveiller plus facilement. Mais papa était un travailleur de force et sa fatigue était grande, aussi dés qu’il se couchait, il s’endormait aussitôt et se mettait à ronfler bruyamment. Ce jour-là j’attendis les premiers ronflements pour me laisser glisser au bas de son lit et m’éclipser discrètement. Ensuite je me dirigeai tout droit vers le cabanon. Il était fermé à clé mais la porte n’arrivait pas jusqu’au sol. L’espace était suffisant pour que je puisse me faufiler sous le panneau de bois. Une fois à l’intérieur je découvris le vélo ainsi que différents pots de peinture. Et là, ni une, ni deux, je m’emparai d’un pinceau. J’étalai sur le cadre une couleur après l’autre et j’achevai mon œuvre par le noir. Puis une idée « lumineuse » me traversa l’esprit. Je défis les boutons qui fermaient ma barboteuse entre les jambes, je relevai le tissu pour dénuder mon ventre et le coinçai sous mon menton pour ne pas le salir. Puis je saisis ce que j’appellerai pudiquement « mes bijoux de famille » et les peignis également en noir. Mon travail terminé et satisfait du résultat, je décidai de rentrer à la maison. Je repassai sous la porte en me tortillant sur le sol, et mes parties intimes fraîchement peintes mais pas encore sèches, se couvrirent d’une pellicule de terre qui resta collée à la peau. C’est ainsi que ma mère me vit arriver, exhibant fièrement mes attributs masculins maculés et presque fossilisés ! Furieuse de cette nouvelle sottise, elle avait attrapé un chiffon et une bouteille de pétrole pour me frictionner vigoureusement. Ses mouvements brusques associés à l’usage du produit provoquèrent mes hurlements. Sourde à mes cris, maman s’était acharnée jusqu’à ce qu’il ne subsista plus une seule trace de terre et de peinture. Papa, alerté par mon raffut, nous avait rejoints mais il avait regardé la scène en souriant, probablement ébahi par les idées saugrenues qui me passaient sans cesse par la tête.
Souvenirs, souvenirs...
– Où tu t’enfuis comme ça ?
– Aïe… je rentre à la maison. Répondis-je avec difficulté car il me faisait très mal.
– Ah, oui ? Et la messe ? Demanda-t-il, toujours cramponné à mes cheveux.
– Je dois aller aider ma sœur.
– Sais-tu que mentir c’est pécher ? Dit-il d’un ton sévère en tirant encore plus fort.
Sans lâcher prise, il me conduisit vers la chapelle. Pour moins souffrir je n’opposai aucune résistance et j’essayai d’avancer aussi vite que lui. En arrivant dans la crypte, il me libéra enfin et je m’empressai de masser mon cuir chevelu endolori. Six autres garçons étaient déjà là, en train de revêtir leur tenue d’enfants de chœur. On me tendit une aube blanche et le père F… me confia l’encensoir. Il me montra rapidement comment le balancer puis m’ordonna de me placer dans la procession qui allait s’avancer vers l’autel. Lorsque tout le monde fut prêt, nous nous mîmes en marche. Dès que nous entrâmes dans l’église, mes camarades assis au premier rang commencèrent à ricaner en m’apercevant. Je m’étais fait prendre et cela les amusait. Je les entendis me souffler :
– Balance ton machin plus fort. Fais-le tourner.
Pour les satisfaire, je mis davantage d’énergie dans mon geste et très vite le vase doré n’allait plus seulement de droite à gauche mais il faisait un tour complet au bout de sa chaîne puis deux, puis trois et bientôt un brouillard parfumé nous entoura. Une grande claque s’abattit alors sur l’arrière de mon crâne et je fus propulsé en avant. Je trébuchai et manquai de m’aplatir sur les dalles. Je m’indignai :
– Dieu m’a frappé !
Toute l’assistance rigola. Mais le père F… était furieux :
– Cesse de faire l’imbécile !
Il s’empara de l’encensoir d’un geste vif et le confia à un autre garçon. Naturellement après la messe j’eus droit à un sermon supplémentaire mais surtout à la menace que tout soit raconté à mon père si je ne venais pas régulièrement au catéchisme – j’étais une brebis égarée qu’il fallait ramener dans le troupeau. Je promis tout ce que le curé demanda pour m’assurer que rien ne revint aux oreilles paternelles. Je n’avais guère envie de goûter au nerf de bœuf.
Au début, pour faire oublier ma bêtise et éviter que mon père n’en fut informé, je vins régulièrement. Mais très vite l’ennui me prit et surtout l’envie de rejoindre mes copains qui jouaient dans la rue. Je commençai alors à être moins assidu. Finalement quand il fut question de préparer la communion, je « pris la tangente ». Je n’imaginai pas un seul instant défiler devant toute la communauté chrétienne rassemblée dans l’église avec des chaussures trouées dépassant au bas de mon aube blanche. La honte m’aurait empêché d’avancer. Ma décision fut prise : c’était là que s’achevait mon instruction religieuse…. et la rédemption de mon âme !
Portraits oubliés.
Quand M…, mon grand-père, partit à la guerre en 1916 il n’avait que dix-huit ans. Né à Saint-Just Sur Loire le 27 juin 1898, il n’était pas encore majeur1 lorsqu’il fut appelé sous les drapeaux. Il n’était pourtant plus un gamin mais pas encore un adulte. Cela n’empêcha pas l’armée française, qui recrutait à tour de bras, de l’enrôler et de l’envoyer au front. Sans doute considérait-elle qu’à dix-huit ans on est presque un homme, en tous les cas suffisamment pour tenir un fusil et servir de chair à canon !
On imagine aisément l’angoisse d’Eugénie et Jean-Baptiste D…, ses parents, quand ils le virent partir au combat, car M… était leur unique enfant. Si par malheur il venait à disparaître, ils resteraient seuls et sans descendance.
M…. quitta donc son Forez natal pour une caserne où il reçut une brève formation militaire dans l’artillerie, puis il prit la direction de Verdun. Là où ça castagnait, là où on s’embourbait. Car ce qui, en août 1914, ne devait être qu’une « promenade de santé », s’était transformé depuis en un conflit international qui s’éternisait et dont on ne savait même plus quand il finirait. Aussi en 1916, après déjà deux ans de combats acharnés, le haut commandement militaire n’ignorait plus ce à quoi il exposait ses soldats. Conscient des conditions inhumaines de survie dans les tranchées, mais malgré tout soucieux de conserver le moral des troupes, il fit distribuer aux combattants du tabac et de généreuses rations de pinard2. Dans les vapeurs légères de l’alcool, les poilus tentaient d’oublier la violence des affrontements, les odeurs pestilentielles de chair en décomposition provenant du champ de bataille, mais aussi la saleté dans laquelle ils croupissaient, la vermine qui rongeait leur épiderme, et surtout la peur qui leur nouait les entrailles chaque fois qu’ils partaient à l’assaut des lignes ennemies. En plein hiver c’est la gnôle qui circulait. Elle réchauffait davantage que le vin et quelques gouttes versées sur les chaussettes évitaient à la laine de geler complètement dans la boue glacée des tranchées. C’est cette terrible réalité-là que le jeune M… découvrit en arrivant au front au début de l’été 1916… avant qu’elle ne devienne son quotidien pendant quatre longues années3 !
L’offensive allemande commencée à Verdun en février 1916 dura jusqu’au mois de décembre de la même année. Avec ses compagnons d’infortune, M… résista aux attaques répétées des Teutons. A la fin de l’année, les deux nations s’accordèrent néanmoins pour déclarer le statu quo. Les Allemands qui s’étaient voulu conquérants, n’avaient pas gagné de terrain et les Français, sur la défensive, n’en avaient pas cédé. Mais à quel prix ! Durant cette période, ces affrontements successifs firent plus de sept cent mille morts, équitablement répartis entre les deux camps.
Par miracle, M… fit partie des rescapés. Alors on l’envoya au Chemin des Dames où la seconde bataille de l’Aisne éclata le 16 avril 1917. L’objectif était de rompre le front allemand entre Reims et Soissons vers Laon. Durant cette bataille, le Général Nivelle qui dirigeait les opérations, exigea une progression rapide des troupes, 100 mètres toutes les trois minutes ! Fort de ses estimations très optimistes, il promit une offensive de 48 H… qui dura plusieurs semaines ! Coûteuse en vies humaines, elle déclencha les premières mutineries parmi les soldats révoltés d’être envoyés à la « boucherie ». Suite à cette hécatombe et à la fronde dans les rangs, Nivelle fut éloigné du front, remplacé par Pétain, tandis qu’on expédiait quelques contestataires devant le peloton d’exécution… « pour l’exemple »!
Une bonne étoile veillait sans doute sur M… car une fois encore il s’en sortit indemne. Mais comme cette guerre paraissait interminable et que l’armée avait un besoin incessant d’hommes valides, aucun répit ne fut accordé aux survivants. M… se retrouva donc dans l’Oise pour y combattre jusqu’à l’automne 1918.
La rumeur de la fin des hostilités commença bientôt à circuler. En dépit de cette bonne nouvelle, les combats se poursuivirent et en octobre 1918 M… fut incorporé à l’armée d’Orient pour lutter sur un autre front, là où les troupes françaises combattaient les bulgares mais aussi l’Empire Ottoman, allié des Allemands.
Cette affectation le conduisit d’abord dans les Balkans où il séjourna quelques semaines, puis passant par la Turquie, il prit la direction de la Syrie. Dans les Balkans peut-être croisa-t-il la route d’un homme engagé sous la bannière ennemie, celle de l’Empire Austro-Hongrois. Il s’agissait du grand-père de L…, médecin militaire, qui raconta avoir soigné sans distinction les blessés des deux camps. Mais dans sa position d’artilleur M… se trouvait plus à l’abri que les fantassins, premières victimes de ce massacre organisé, et jamais il n’eut besoin des services médicaux d’aucun bord que ce soit. Par chance il passa toujours entre les balles et les obus.
S’il ne souffrit jamais d’aucune blessure invalidante, il n’échappa pas cependant au paludisme contracté en Turquie, ni aux gaz de combat utilisés d’abord par les Allemands puis par l’ensemble des belligérants. Ces gaz qui peuvent provoquer la mort par asphyxie, épargnèrent relativement M… La seule séquelle qu’il conserva après leur inhalation fut une irritation permanente de la gorge provoquant une soif inextinguible. Soif qu’il étancha le plus souvent dans l’alcool distribué par l’armée et auquel il prit goût très rapidement.
On pense souvent que la signature de l’armistice le 11 novembre 1918 libéra instantanément les survivants de ce grand carnage. C’est une erreur. La démobilisation des soldats fut lente et laborieuse. Les plus chanceux ne retrouvèrent leur logis qu’au début de 1919 et tous ceux qui avaient été envoyés au Moyen Orient y restèrent cantonnés de longs mois. Ce fut le cas de M…. Il fallut le décès de son père, Jean-Baptiste, le 15 juin 1920 pour qu’enfin il fut démobilisé et rapatrié.
Cette année-là Eugénie pleura la disparition de son mari, mais elle put se réjouir du retour de son fils unique. Certes il ne rentrait pas tout à fait en bonne santé (il souffrira toute sa vie de crises de paludisme) mais il n’était ni estropié, ni défiguré comme tant d’autres et, de surcroît, il revenait décoré de la croix de guerre !
1A cette époque la majorité civile et pénale était fixée à 21 ans.
2Pinard : mot inventé par les poilus de la 1ère guerre mondiale pour désigner le vin rouge de qualité médiocre « offert » aux soldats. La ration servie en 1914 était d’un quart de litre par homme, elle passa à un demi-litre en 1916 pour finir à trois-quarts de litre début 1918. Pour avoir un taux d’alcool élevé, l’armée porta son choix sur les vins du Languedoc mais aussi sur ceux provenant du Maghreb. Quant à l’armée anglaise, estimant que le vin n’était pas assez alcoolisé, elle distribua du rhum à ses soldats.
Cette consommation massive de boissons alcoolisées dans l’armée fit naître l’alcoolisme d’après-guerre au grand désespoir des femmes qui virent revenir du front des hommes devenus dépendants à l’alcool. L’Etat, conscient du fléau, mit en place les premières campagnes de sensibilisation visant à lutter contre l’alcoolisme.
3M… ne rentrera pas chez lui à la signature de l’armistice en 1918.
Mémoires d'un résistant.
En retrouvant ma patrie, il me fut difficile de comprendre mes compatriotes qui semblaient alors peu enthousiastes pour le service militaire. Ils paraissaient assurés de rester hors de la guerre « comme en 14-18 » et pensaient « qu’il valait mieux accepter d’être un Boche vivant plutôt qu’un hollandais mort » !
Inscrit à l’école de l’Intendance de Marine au port de H…., je m’attendais à partir d’un jour à l’autre. Mais à la place d’une convocation, je reçus un avis de report, la mobilisation empêchant l’accueil des jeunes recrues. Désoeuvré, je m’engageai comme bénévole dans l’usine à caoutchouc dirigée par le père d’un ami d’école. Comme le travail était ingrat, sale et difficile, j’adressai rapidement un courrier à l’Armée qui, en retour, me convoqua pour intégrer l’école de sous-officiers de l’infanterie de S…, située à 50 km au nord de H….. Je m’y rendis en vélo.
L’hiver 39/40 fut particulièrement rude et pénible. Logés dans des baraques en bois, placés sous les ordres d’un adjudant sans pitié, nous dûmes également supporter des températures pouvant descendre jusqu’à -25° en poste de garde avec une couronne de verglas autour du casque et les pieds gelant au sol… Enfin arriva le printemps avec la réussite à l’examen le 7 mai 1940 et l’obtention du grade de sergent.
Dans la soirée du 9 mai 1940, éprouvant le besoin de prendre l’air, je quittai la caserne pour une balade en vélo de quelques kilomètres vers la digue de K…… Je m’installai dans un café où je me retrouvai seul avec le patron. Ensemble nous discutâmes tranquillement, les yeux rivés sur la mer. Soudain nous aperçûmes à l’horizon une multitude de petites lumières. Intrigué, je rentrai rapidement au camp pour faire part de mon observation à mon Lieutenant qui, ce soir-là, assurait le commandement du poste de garde. Après m’avoir écouté, il téléphona au quartier général de L…H…. qui lui répondit de ne pas s’inquiéter !
Mais à l’aube du 10 mai, vers 5 H du matin, nous fûmes réveillés brutalement par des coups de canons et le mitraillage de notre caserne par des avions à croix gammée survolant la base. Cette escadrille venait de la mer du Nord et avait de toute évidence contourné la frontière. Nous apprîmes plus tard qu’à R……, des soldats allemands infiltrés sur notre territoire, s’étaient cachés dans des péniches pour une occupation rapide des ponts. Dans la journée, alors que le « Blitz » de l’armée allemande permettait l’invasion d’une partie du pays et que R…… subissait un bombardement faisant des milliers de victimes civiles, l’Allemagne nous fit enfin sa déclaration de guerre ! Dans un premier temps l’armée hollandaise tenta de résister et nous reçûmes l’ordre de nous rendre vers la digue du Z ….. d’où arrivaient les colonnes ennemies motorisées (camions et motos side-car). Tandis que nous prenions position, nous découvrîmes que nos caisses de munitions avaient été remplies de sable !
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